Par Lori Knowles
Kendra Scurfield adore son soleil. Pas celui qui éclaire une journée nuageuse, bien que celui-là ne soit pas mal non plus… Mais celui de Kendra s’accompagne de 35 pieds de neige par année, de 12 remonte-pentes et de plus de 3 000 acres de terrain si naturel (bosses, ravins, sous-bois, poudreuse) qu’il rend les parcs à neige artificiels en quelque sorte étranges et redondants. Kendra et sa famille sont propriétaires de Sunshine Village à Banff.
La vie sur les pentes
Les enfants au Canada grandissent de différentes façons. Les ruelles urbaines, les petites villes, les grandes fermes, la banlieue : leur environnement les façonne. Comme nous étions curieux de savoir comment le fait de grandir sur les pentes d’une station de ski canadienne importante pouvait façonner une personne, nous avons demandé à Kendra, maintenant âgée de 30 ans, de nous raconter sa jeunesse à Sunshine Village.
Elle décrit un monde magique, où on peut skier librement sur Wawa, Wolverine et Tin Can Alley, emprunter des câbles de remontée et des remonte-pentes en T, rivaliser avec les skieurs alpins de compétition de Banff. Elle a eu une enfance merveilleuse, avec peu de supervision, en compagnie de ses deux frères et de ses parents souvent occupés par le travail; sa mère était médecin à Banff et son père, président et chef de la direction de Sunshine.
Ce mode de vie a certainement permis de perfectionner ses aptitudes techniques en tant que skieuse et planchiste, lui inculquant le respect des terrains de ski alpin de qualité et lui donnant quelques rudes leçons, incluant les périls de jouer dans les Rocheuses canadiennes. Or, les leçons qu’elle affectionne le plus sont celles de son imagination. Skiant librement parmi les arbres de Sunshine et sautant par-dessus ses rochers et ses ravins remplis de poudreuse, Kendra laissait son imagination la faire rêver. Elle a massacré les poules-chèvres fictives de Sunshine, compétitionné contre un abominable bonhomme de neige, nourri le géant qui habite dans l’iconique Delirium Dive, comme tous les enfants locaux le savent si bien, celui à l’appétit insatiable pour des sandwichs à la confiture et au beurre d’arachide. « Ma vie est si différente, puisque j’ai grandi sur une montagne de ski », explique-t-elle.
Famille réunie
Cette vie a été rendue possible grâce à son grand-père Ralph T. Scurfield. Un homme d’affaires implacable à une époque d’hommes d’affaires implacables, Ralph T. a fait fortune à Calgary. Dans les années 1970, il a fait de Nu-West Group l’une des entreprises de construction domiciliaire les plus importantes au Canada, laquelle compte près de 4 000 personnes et des avoirs financiers divers de 1,9 milliard de dollars. Il a aidé à établir la faculté d’administration à l’Université de Calgary, où le Scurfield Hall a été nommé en son honneur. Il a aussi été l’un des fondateurs des Calgary Flames, contribuant au déménagement de la franchise de la LNH d’Atlanta à l’Alberta à temps pour la saison 1980-1981. La grand-mère de Kendra, Sonia Scurfield, est devenue la deuxième femme, et la première Canadienne, à voir son nom gravé sur la Coupe Stanley.
Parmi les autres acquisitions majeures de Ralph T. Scurfield, mentionnons la station de ski Sunshine Village en 1981. « Mon grand-père était un entrepreneur; il voyait la valeur des choses avant qu’elle ne soit évidente, a indiqué Kendra. Il voyait l’acquisition de Sunshine comme une façon de réunir la famille. »
Tout cela est synonyme de richesse, d’avantage et d’une bonne dose de chance pour Kendra, qui est née dans une famille où les occasions abondaient. Mais tout ne fut pas rose; les Scurfield ont fait l’objet de controverses.
En 1985, à l’âge de 57 ans, Ralph T. est décédé dans une avalanche pendant qu’il faisait de l’héliski près de Blue River, en Colombie-Britannique, une instance judiciaire s’est ensuivie : Scurfield c. Cariboo Heli-Skiing Ltd. Puis, en 2011, d’autres problèmes sont survenus : The Calgary Herald a signalé une poursuite, en partie selon laquelle un jeune Scurfield skiant près de Sunshine a été surpris dans une zone fermée avec quatre autres skieurs et s’est montré agressif. De plus, depuis des années, Sunshine Village et la station de ski Lake Louise se livrent une lutte pour le titre de la station de ski locale préférée. C’est une guerre sans fin, mais qui fait autant partie de l’éducation de Kendra que sa lutte contre les poules-chèvres fictives.
Lorsqu’on lui a demandé le conseil qu’il donnerait à ses enfants s’ils décidaient de poursuivre la tradition de ski des Scurfield, le père de Kendra, Ralph D. Scurfield, a indiqué : « C’est une industrie difficile. »
Une industrie difficile
Le conseil de Ralph D. ne semble pas avoir découragé sa fille. Titulaire d’un diplôme de l’université Gonzaga et d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université de Calgary, Kendra occupe désormais le poste de directrice des médias sociaux de Sunshine, travaillant à la création des plateformes numériques de la station : Facebook, Twitter, Instagram et Stories d’Instagram. « À l’heure actuelle, nous possédons le plus grand nombre d’abonnés sur Facebook de toutes les stations canadiennes », explique-t-elle. Maintenant environ au même âge où son père a pris les rênes de Sunshine, Kendra a comme objectif à long terme d’exploiter la station un jour. « Mon rêve est de reprendre l’entreprise », a-t-elle ajouté.
À l’instar des enfants du millénaire, Kendra a un haut degré de scolarité, en plus d’être ambitieuse, engagée et technophile. Lorsqu’elle était enfant, elle suivait son père dans son bureau, accomplissant d’étranges tâches de bureau et télécopiant des rapports des conditions d’enneigement. « J’ai appris à un jeune âge que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Il n’existe pas de sots métiers, ni d’emplois trop ambitieux. En travaillant à une station de ski, on apprend à essuyer des revers, puis à se relever. On apprend de ses échecs. On apprend la résilience. »
« L’industrie du ski est difficile, ajoute-t-elle en réponse au conseil de son père. Il y a des jours où je pense qu’il serait beaucoup plus facile de travailler ailleurs, de travailler pour quelque chose que je n’ai pas tant à cœur. Mais, je me rappelle rapidement à quel point la montagne est importante pour moi. Je ne doute pas que l’industrie du ski soit difficile; je suis prête à travailler dur. »
Comment les montagnes l’ont-elles façonnée?
Revenons maintenant à notre question initiale : Comment le fait de grandir sur les pentes d’une station de ski canadienne importante façonne-t-il une personne?
« Les montagnes ont façonné les adultes que mes enfants sont devenus, a expliqué le père de Kendra. Les Rocheuses canadiennes représentent un endroit d’une splendeur incomparable. Les montagnes peuvent nous rappeler de lâcher prise et de nous concentrer sur la vue d’ensemble. »
« Chaque jour, on va travailler à un endroit pus grand, plus célèbre que nous, indique Kendra. En plus d’être impressionnant, cela nous donne une leçon d’humilité. » Après quelques minutes de réflexion, elle ajoute : « Tôt ou tard, tout le monde tombe en amour avec Sunshine. »